Pourquoi la péridurale déambulatoire est-elle invisibilisée ?

La péridurale déambulatoire est une technique d’anesthésie permettant de diminuer les douleurs de l’accouchement sans limiter les possibilités de mouvement pendant le travail. Un matériel sans fil adapté enregistre en continu le rythme cardiaque fœtal et garantit la surveillance. Ce type de péridurale est proposé dans moins de 10 % des maternités françaises. Souvent, seules deux alternatives sont disponibles : garder sa liberté de mouvement mais « enfanter dans la douleur » (sans péridurale) ou « enfanter soulagée mais attachée » (avec péridurale). Pourquoi fait-on croire aux parturient·es qu’il n’existe qu’une seule péridurale induisant un alitement, des sondages urinaires, des capteurs et des fils qui attachent leur corps à des machines ? 
 
En réalité, de multiples alternatives sont possibles, qu’elles soient médicamenteuses ou non. Le vécu et l’autonomie des patient·es pendant leur accouchement sont des principes primordiaux. Il est indispensable de proposer des alternatives favorisant l’autonomie quel que soit le type d’accouchement.
 
 

 Différentes méthodes de péridurale 

Depuis les années 1970, les techniques de péridurale n’ont cessé d’évoluer. Il existe plusieurs techniques anesthésiques utilisées pendant l’accouchement  :
– la péridurale « classique » à perfusion continue,
– la péridurale auto-dosable qui permet aux patient·es de gérer le dosage en choisissant d’injecter ou non,
– la péri-rachianalgésie combinée qui permet une diminution rapide de la douleur en cas de dilatation avancée,
– la péridurale déambulatoire,
– l’analgésie du bloc pudendal (ou nerfs honteux) qui n’est pas une péridurale mais qui permet une action localisée sur le périnée au moment des efforts expulsifs ou de la réfection d’une déchirure (1).
 
Pourtant en 2016, parmi les 81 % de personnes ayant accouché par voie basse sous péridurale, 53% seulement ont pu bénéficier d’une analgésie péridurale auto-contrôlée. La péri-rachianalgésie combinée, quant à elle, concernait moins de 1 % des patient·es ayant eu une tentative d’accouchement par voie basse (2).
Et, seulement 9 % des maternités proposaient la péridurale déambulatoire (taux stable depuis 2010). 
 
 

 Des avantages notables pour la péridurale déambulatoire 

La péridurale à débit continu et auto-dosable induit le plus souvent un alitement prolongé altérant le confort, l’autonomie et la mobilisation des patient·es. La péridurale déambulatoire soulage la douleur tout en évitant ces inconvénients. Si les effets bénéfiques de cette dernière sur la durée du travail, le mode d’accouchement et le recours à l’oxytocine (SYNTOCINON®) ne font pas l’objet d’un consensus, aucun effet néfaste n’est retrouvé. La déambulation en elle-même permettrait théoriquement une diminution du risque thrombo-embolique (caillots veineux) et une réduction de la compression aorto-cave, entraînant une amélioration du rythme cardiaque fœtal. 
D’autres bénéfices indiscutables à la péridurale déambulatoire sont également observés : l’amélioration de la satisfaction de la parturient·e (3) ainsi que l’augmentation des mictions volontaires (4,5,6). La réduction des sondages urinaires pendant le travail pourrait permettre une diminution des infections associées aux soins. Ces bénéfices ne sont pas anecdotiques et permettraient un meilleur vécu de l’accouchement. La péridurale déambulatoire ne présente donc pas de désavantage pour le·a parturient·e. Le risque de chute est exceptionnel et des mesures préventives peuvent être mises en œuvre.
 
Ce type de péridurale nécessite un équipement spécifique (pompe PCEA et télémétrie) et une formation brève du personnel intervenant en salle de naissance. Ces aménagements sont à la portée du budget de toute maternité. Pourquoi y a-t-il si peu de maternités en France qui proposent aux parturient·es de pouvoir déambuler avec une péridurale alors que cette technique améliore le vécu sans effet néfaste ?
 
Nous pensons que le non-recours à cette méthode peut s’expliquer en partie par des choix politiques d’organisation des soins dans les maternités. Il est attendu que les parturient·es soient allongé·es, immobiles, attaché·es et à la disposition des soignant·es, dans une temporalité pré-définie, afin de « faire tourner » le service. Le manque de moyens et de personnel, s’ajoutant à la fermeture de maternités de proximité, implique une standardisation des accouchements au sein de « super-maternités », parfois dénommées « usines à bébés ». Marie-Hélène Lahaye explique dans le rapport du HCE sur les actes sexistes durant le suvi gynécologique et obstétrical, que les maternités suivent un modèle fordiste, dans une logique de rentabilité optimale : le plus d’accouchements avec le moins de personnel possible. (7) Dans ce contexte, le taux de recours à la péridurale en France pendant les accouchements est passé de 3,9 % en 1981 à 81 % en 2016.
 
 

Liberté de mouvement, liberté de choix

Les souhaits des personnes de pouvoir choisir par elles-mêmes, de déambuler, d’être libres de leurs mouvements et ne plus se sentir objet lors de leur accouchement ont été clairement exprimés grâce au travail des associations qui luttent contre les violences gynécologiques et obstétricales. Nous ne pouvons plus les ignorer ! Il est urgent de se questionner et de briser ce modèle rétrograde. Tout·es les parturient·es doivent avoir accès à la péridurale déambulatoire et à la péri-rachianalgésie combinée dans chaque maternité si ils ou elles le souhaitent. 
 
 
 
 1. JACQUELIN S, Bloc pudendal : Évaluation des connaissances et prévalence de la pratique des sages-femmes du Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers sur l’année 2015. [Mémoire]. [Ecole de Sage-femme Poitiers]. 2016
 
2. Enquête Nationale Périnatale 2016
 
3. ALONSO-ALVAREZ C. Évaluation du retentissement d’une analgésie péridurale déambulatoire
sur le travail obstétrical : étude prospective randomisée sur 280 patientes. [Mémoire]. [Ecole de Sage-
femme Caen]. 2014
 
4. Quoi de neuf en analgésie obstétricale ? CNGOF décembre 1998
 
5. Influence de l’analgésie locorégionale sur la mécanique obstétricale. SFAR 2015.
 
6.WEINIGER C, YAGHMOUR H, NADJARI M, EINAV S, ELCHALAL U, GINOSAR Y et al.
Walking reduces the post-void residual volume in parturients with epidural analgesia for labor: a
randomized-controlled study. Acta Anaesthesiologica Scandinavica. 2009
 
7. Haut Conseil à l’Égalité. Actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical : reconnaître et mettre fin à des violences longtemps ignorées. Juin 2018
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